Je pense donc je grimpe.

jeudi 26 juillet 2012

ESCALADE ET VÉLO : UNE COMBINAISON AUDACIEUSE !

couvertureVV2_TPT_thumbEncore peu connu et peu pratiqué, le vélo-escalade ou la cyclo-grimpe offre une combinaison idéale aux sportifs en quête de nature et sensation. Du point de vue de l’entrainement, cela apporte un complément idéal au développement corporel du sportif puisque c’est une pratique « cardio » agrémentée d’une pratique « force ».

Aujourd’hui, Nospot.org interroge Stéphane Desgain, un cyclo-grimpeur confirmé. Il compte à son actif de nombreuses ouvertures de voies en salle, appréciées pour leur dynamisme et leur placement, ainsi que de nombreuses réalisations en falaise.

Coté cyclo, vous avez peut être lu un article qui lui était consacré dans un numéro spécial de Expemag consacré au cyclo randonnée ; ironie, sourire et énergie… vous allez mieux comprendre en lisant ce qui suit ;-)

Bonjour Stéphane, merci de consacrer ton temps à cette interview. Peux-tu te présenter brièvement ?


T’es de la police ? Je me demande bien pourquoi je t’ai dit oui à cette demande d’interview… l’égo sans doute. Je me suis vite désinscrit de « face debouc » dans lequel je m’étais inscrit par erreur alors pourquoi étaler une partie de ma vie ici? Ha oui pour tenter de donner envie à d’autre de partir grimper en vélo…

Quand as-tu commencé l’escalade ?


Un peu après avoir commencé la spéléo. A l’époque, ça me paraissait plus accessible. On a en effet beaucoup de sales trous boueux et diaboliquement étroits qui vous donnent envie de revendre votre matos. Les montagnes sont, elles, beaucoup plus loin mais on en ressort moins sale... On a donc commencé avec un stage de spéléo à Godine il y a plus ou moins 25 ans, puis on est passé à la grimpe.

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Vélo escalade en Sardaigne

A quel niveau grimpes-tu en salle et falaise ?


On s’en fout non? Disons que comme je flippe en falaise, je grimpe 12 niveaux en dessous de ce que je fais en salle (ndlr : il doit donc grimper en – 4). C’est plus simple de faire le malin en salle. En falaise, dès que j’enfile le baudrier, j’ai déjà l’impression de faire le truc le plus dangereux de la planète ! Déminer l’Afghanistan c’est rien à coté ! Le soir, je suis bien obligé de démystifier...

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En route pour Berdorf

Depuis quand ouvres-tu des voies ? Quel est ta marque de fabrique?


Ca a commencé à Louvain-la-Neuve (ndlr : Belgique) quand on grimpait encore dans la grande salle Omnisport, bref ça date… Il y avait une ambiance très « déconnante » ; c’était à celui qui trouvait les trucs les plus tordus possibles… puis on a continué dans la nouvelle salle à LLN. J’ai pas l’impression que ça a changé… Pico nous traitait, mon frère et moi « d’ouvreur anachronique » … c’est pas sur que ce soit un compliment.

Quand as-tu commencé le cyclo-tourisme ?


Quand la voiture est tombée en panne. Disons plutôt que c’est une lente prise de conscience… d’abord la découverte du plaisir de voyager par ses propres moyens. Ca c’est grâce à Sabine (ndlr : sa compagne). Il y a aussi l’incroyable liberté de s’arrêter quand on veut où on veut …puis c’est le malaise d’avoir une mode de vie qui ne serait pas tenable au niveau mondiale.

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Un glaçon dans ton verre? (Iceland)

Des motivations écologiques donc ?


« Nooooonpeutêtre » ;-) (ndlr : tique de langage de Louvain-la-Neuve /// Belgique)

Qu’est-ce qui t’a attiré dans cette pratique ?


Réparer des chambres à air et la liberté. L’aventure qui commence dès qu’on ferme la porte et pas quand on arrive sur le parking. Ne pas laisser trop de trace aussi...

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Meilleur que le flan; le pudding des Mallos

Comment s’est produite la combinaison entre grimpe et escalade ? Quelles en ont été les raisons ?


Il n’y a pas de raison. C’est simplement impossible de faire autrement. Tu veux foutre en l’air un voyage tu m’obliges de le faire en voiture… C’est plus ou moins tenable jusqu’au moment ou l’on croisera des gens en vélo, le sourire jusqu’aux oreilles avec leurs sacoches au cul. Là je commencerai à être insupportable, en général c’est à ce moment là que mes amis commencent à comploter pour me foutre au congélateur… Et ne pas grimper est impossible ! Alors on a simplement réduit le nombre de vêtements pour mettre la corde à la place.

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Magnifiques fissures en Suisse

Fais-tu uniquement des longs voyages vélo-escalade ou/et te déplaces-tu régulièrement à vélo pour aller grimper en salle ?


Je me déplace à vélo, je fais les courses, sors, donc forcément aussi la grimpe…

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Vélo montagne en Norvege; tous les cols ne passent pas…

Peux-tu dire que l’escalade et le vélo sont des sports au complément idéal ? Force, cardio?


Houlaaa… tu crois que je regarde à ca ??! Je n’en sais rien. Je dirais plutôt que c’est la catastrophe ! T’attrape des cuisses de footballeur ou de grenouille. On m’appelle régulièrement « Spartacuisse » ! Bref en falaise je tire des tonnes de jambonneau et t’est crevé avant même d’avoir commencé.

Pourtant, force est de constater que la pratique d’un sport cardio aide le grimpeur dans sa progression. Tu es sur que le vélo n’expliquerait pas un peu le dynamisme et l’explosivité présentent dans tes voies?


Non ca c’est la musique que j’écoute en ouvrant :-p

Comment se prépare, en général, tes voyages (ou/et courtes sorties) vélo-escalade ?


Ca commence par trouver des topos, pour le reste : tu bourre les sacoches vélo, tu graisse la chaine et hop là.

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En route pour la Slovénie en grimpant tout ce qu'on trouve sur le chemin: Suisse, Italie, Slovénie

Comment gères-tu le poids supplémentaire encouru par le matériel escalade en voyage ?


On prend des cordes légère, 9.1 si c’est pour la falaise sinon des cordes jumelles pour la montagne. Après on ne gère pas, on va moins vite mais est-ce vraiment important ?

Ta bonne recette pour ne pas arriver cramé au pied de la falaise ... ou du bloc ?


J’arrive toujours cramé, et si je ne suis pas cramé je suis mort de trouille. Cet été en Norvège je garde un souvenir incroyable d’une fissure trop verticale à mon goût et mouillée. On était arrivé en vélo, puis on a porté le matos et Alizée (ndlr : sa fille) sur les épaules à travers des marécages. J’ai eu l’impression de faire un truc dur de chez dur ! Je me suis pissé dessus en plaçant en tremblant tous les coinceurs que je pouvais... Le soir dans la tente en relisant le topo j’ai compris que je venais de faire un 5b…

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Après le Furkapass (Suisse)

Quel conseil donnerais-tu à toutes personnes voulant se lancer dans cette première aventure de voyage ?


Je n’ai pas de conseil, chacun voyage comme il veut. Il y en a qui partent en vélo de course et font 100-150km par jour. D’autres qui partent avec sacoches et remorque, avec le grille pain et la rallonge…Chacun le fait à sa sauce. Aller grimper en vélo je trouve ça simplement plus beau... Ce qui me fait rêver c’est des trucs comme ce norvégien qui est parti de chez lui en vélo pour grimper l’Everest puis rentrer gentiment chez lui toujours en vélo. Respect.

Peux-tu nous raconter l’un de tes voyages vélo-escalade ?


C’est plutôt une anecdote liée au camping à la sauvage : à Zurich en 2009 on s’est installé dans un jardin au bord du lac. Pas moyen de trouver un coin de champ ou de forêt. Le m2 doit valoir une fortune dans ce coin là ! Alors on a choisi un jardin qui était assez grand pour ne pas se faire remarquer. En plus la pelouse était parfaite ; un vrai jardin anglais.

Après avoir monté la tente dans le noir et en faisant le tour du propriétaire je suis tombé sur cette drôle de tondeuse en forme de tortue et sur laquelle il est écrit « Attention alarme connecté au réseau GSM ». Je n’ai pas touché à la dôle de bête...

À 2h du mat c’est en hurlant que Sabine m’annonce que la tondeuse en en train de bouffer la tente ! Elle avait déjà avalé un piquet et était en train de faire son demi-tour pour nous foncer dessus !
Elle était automatique cette conne et était programmée pour nous passer dessus. Armé d’une chaise de jardin je fais le toréro pendant 2h tout en construisant une muraille autour de la tente pour détourner le monstre.

Au final ; je me suis écroulé de fatigue… 2 petites heure plus tard soit 6h du mat: re-cris, re-sortir à poils… L’œil mis clos je comprends qu’elle recommence ses assauts. Elle était arrivée à faire tomber une partie de ma muraille et recommençait à manger la tente la salope… une nuit infernale…

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Le plus dur en vélo-escalade finalement ?


S’arrêter. Je parle pas de freiner mais de s’arrêter et de reprendre la vraie vie. Sortir de son petit rêve complètement déconnecté de la réalité. Ce truc est un phantasme de personnes aisées venant d’un pays riche… au sud on ne comprend absolument pas la démarche.

Le plus jouissif ?


Rencontrer d’autres grimpeur/se-cyclistes.

On entend souvent les gens dirent qu’ils ont peu de temps pour sortir le vélo et aller grimper. Qu’as-tu envie de leur dire ?


Qu’on a peu de temps pour tout. C’est pas la question du temps… Le temps qu’on passe dans le train ou sur le vélo n’est pas perdu. Il faut dire qu’on grimpe évidemment moins que si on était en voiture. Mais on serait tellement frustré de ne pas être en vélo alors on apprécie notre équilibre. D’autre part c’est le modèle de voyage actuel qui est débile… le trajet c’est le voyage… l’avion, ce drôle de truc qui vole est quand de même une machine incroyable mais elle a détruit le voyage…

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En Suisse entre deux falaises

Ta prochaine idée de voyage ?


T’es de la police ?

Ton dernier mot de la fin ?


On va grimper ?

Bah justement y’a cette 7A là qui me travaille…


Bin voyons…

3 commentaires :

  1. Anonyme12:26

    J'adhère complètement à votre philosophie: pour preuve voici notre projet de voyage:
    www.lecogrimpeur.fr
    A bientôt sur les chemins
    Julie

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    1. Super Julie! Tu devrais nous envoyer un article! ;-)

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  2. Génial cet article. Merci Stéphane pour ton humour bien inspiré et ton sacré sens de la dérision qui fait plaisir à lire.

    Nous sommes actuellement en voyage à vélo avec notre petite bébé de quelques mois à travers l'Europe pendant un an et partageons ta vision du voyage et de la grimpe. Voici notre blogue : www.enjolivelo.com.

    Au plaisir de se croiser éventuellement un jour, qui sait?

    Clément

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